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Journée d’étude « Numérique et durabilité des circuits courts »

Le compte rendu est dense, utiliser les liens de ce menu et des sous-menus pour accèder plus rapidement à l'information.

1 – Restitution des études Open Food France-INRA et Terralim-Resolis

Après avoir évoqué ce qui nous a amenés à lancer ces études (slide 10), et leurs objectifs (slide 11), nous avons présenté les méthodologies utilisées et types d’organisations interrogées (slide 12-13). Dans chaque étude, une vingtaine d’entretiens ont été conduits, avec, en plus, du côté Terralim-Resolis, une observation participante en supermarché coopératif ainsi qu’une enquête envoyée auprès des 78 producteurs de Kelbongoo, système de commande en ligne de produits provenant de Picardie et distribués à Paris. Un biais a été précisé concernant la sélection des cas, issus principalement des réseaux des contributeurs aux études. Concernant la nature des organisations interrogées l’étude Open Food France-INRA s’est davantage centrée sur les porteurs de circuits courts (groupements d’achats, coopératives, AMAP, etc.) alors que Terralim_Resolis ont interviewé des organisations facilitatrices, apporteuses d’outils, des réseaux, des collectivités, etc. Les approches sont donc complémentaires sous cet angle.

Ont ensuite été présentés les différents usages constatés des outils numériques par les circuits courts (slide 14), classés selon les 3 principales fonctions auxquelles ils contribuent : vente, communication et gouvernance.

L’adoption d’outils numériques (slide 15) dans les circuits courts intervient souvent lors de phases propices : i) démarrage de l’initiative ; ii) quand une certaine taille est atteinte et amène à revoir les modes de fonctionnement ; iii) quand l’initiative rencontre une stagnation ou baisse d’activité, auquel cas le numérique peut adjoindre à l’existant de nouveaux services de commercialisation. Elle est également parfois provoquée par un individu moteur à n’importe quelle phase.

Le processus d’adoption (slide 16) est lié à différents facteurs qui semblent exercer un rôle clé dans l’adoption d’un outil : par exemple un fils parle à sa mère, dont l’activité connaît une phase de stagnation, d’un outil dont il a entendu parler. Les réseaux d’appartenances sont aussi des facteurs influençant l’adoption, comme dans le cas du Panier Rusé à Lille dont le fondateur évolue dans l’univers des “communs”, ce qui a orienté son choix vers un outil open source. Enfin, la familiarité avec le numérique joue un rôle important. Les démarches d’adoption sont dans certains cas actives, avec comparaison entre solutions pour un objectif déterminé, et dans d’autres cas sont plus passives, adoptées par imitation ou liées à une opportunité, par exemple sans investigation ni démarche de comparaison poussée.

En matière d’emploi (slide 17), l’usage du numérique dans les circuits courts crée peu d’emplois directs mais contribue à créer ou à maintenir des emplois hors du numérique, en participant au développement du circuit., surtout en zone urbaine ou en périphérie urbaine. L’enquête auprès des producteurs Kelbongoo fait par exemple ressortir une stabilisation de l’emploi dans les fermes depuis l’entrée dans ce circuit (12/40) mais aussi un effet direct sur le travail : certains évoquent en effet un gain de temps, permettant une plus grande souplesse de fonctionnement et une bascule de ce temps vers la production. En ce cas, l’effet du numérique se couple avec l’effet d’un débouché régulier garanti et organisé par d’autres.

Les effets de l’adoption d’outils numériques (slides 19 à 22) par les circuits courts s’expriment dans de multiples champs : ventes (locales ou hors locales quand le local est saturé), efficacité de gestion (gain de temps, libération des salariés de travaux peu épanouissants…),transparence, modèle économique, participation et gouvernance (facilite la répartition des tâches et la transparence de l’information i peut exclure certains), risques juridiques (certains outils amènent à faire prendre des risques juridiques), indépendance et résilience (autonomie mais nouvelles dépendances, dont à l’outil ou à la personne qui l’a créé), démultiplication des circuits courts (facilite l’essaimage en permettant un fonctionnement documenté) , relations humaines (le numérique semble servir le lien social s’il reste associé à des échanges en présentiel) et choix de vie, environnement (mutualisation logistique).

A chaque fois, des effets considérés comme favorables peuvent être modérés par des précautions par rapport aux conditions dans lesquelles ces effets peuvent être observés, et contrebalancés par d’autres jugés défavorables.

La question de l’impact du numérique sur l’environnement est peu mise en évidence et on a noté une forte variabilité du discours à la fois sur les effets externes (dans les échelons qui utilisent le numérique) et sur les impacts propres du numérique, qui font plus l’objet d’interrogations que d’affirmations. Il est signalé que « the shift project » propose un scénario de durabilité du numérique.

Quatre hypothèses qui nous semblent prioritaires ont été émises pour la poursuite des travaux (slide 23).

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Quels sont les outils numériques étudiés et à quoi servent-ils ? Est-ce que ce sont des outils mis sur le marché ou des outils faits maison ?

Les outils ont été listés mais la gouvernance des outils n’a pas été creusée. Nous nous sommes davantage concentrés sur les usages à travers une typologie. Pour les outils, certains sont faits maison, d’autres trouvés sur le marché.

Quel retour sur le contentement des utilisateurs / quelle mesure de l’efficacité ?

La satisfaction a été citée une ou deux fois, dans les enquêtes, mais aussi auprès des utilisateurs de Kelbongoo. Certains utilisateurs sont en demande de fonctionnalités supplémentaires, comme par exemple la possibilité d’avoir des retours des consommateurs. Il peut cependant y avoir des effets contraires : un patron de GMS a reçu de nombreux messages négatifs après avoir ouvert une page Facebook, et un outil numérique mal calibré a provoqué des tensions dans un groupe de producteurs.

Y a-t-il des groupes qui se font un point d’honneur de ne pas utiliser le numérique ?

On a rencontré un groupe qui n’utilise que des outils basiques parce que ses membres ne ressentent pas le besoin du numérique. Globalement, il y a des valeurs derrière les outils, les gens choisissent ce qui correspond à l’esprit de leur activité.

Y a-t-il des initiatives qui font de l’open source un critère de choix ?

Nous avons eu plusieurs témoignages en ce sens, exemple Micromarché a comparé Open Food France et Panier Local, et même si les fonctionnalités de Panier Local étaient selon lui plus abouties, a choisi Open Food France pour ce motif.

Concernant la masse critique, les effets du numérique sont aussi de déplacer vers le bas le seuil de masse critique nécessaire pour viabiliser un projet.

Sur la question de l’environnement, le numérique permet de limiter les invendus et le gaspillage en permettant une meilleure planification.

2.

2 – Interventions inspirantes

2.1 – Mieux coopérer autour du partage de données pour changer l’échelle des circuits courts : l’importance de la standardisation.

2.1 – Mieux coopérer autour du partage de données pour changer l’échelle des circuits courts : l’importance de la standardisation.

Myriam Bouré (Data Food Consortium)

Data Food Consortium développe un standard pour contourner les limites des outils web organisés en silos.

Les problématiques liées à l’interopérabilité se traduisent dans la vie quotidienne : une base de données unique est associée à chaque site donc si un producteur commercialise sur plusieurs plateformes, il est obligé de saisir son catalogue sur chacune d’entre elles et veiller aux quantités vendues à chacune au risque de vendre plus que sa production.

Les API permettent de faire passer les données d’une application à une autre, ce sont des connecteurs mais compte tenu du nombre de plateformes et du coût de création des connecteurs il est impossible d’avoir des API pour toutes les liaisons possibles.

L’objectif est donc d’aller vers un big data décentralisé/mutualisé/coopératif : ce qu’il y a de nouveau sur le web c’est qu’on sait aujourd’hui construire des applications sur une logique autre que des silos, qui sépare le stockage de la donnée de son utilisation par une ou plusieurs applications. La solution est de mettre en œuvre plus d’interopérabilité en se basant sur un standard, qui peut être comparé à une langue commune pour faire communiquer toutes les plateformes :

  1. Le premier pas est de modéliser le métier, et clarifier les concepts et le vocabulaire : Data Food Consortium travaille donc sur un standard, un langage sémantique commun (ontologie)

  2. Ensuite, il faut proposer un protocole technique d’échange

  3. Cela permettra de mettre en œuvre un catalogue « commun » universel (qui est en cours de développement).
     

Ainsi une plateforme comme Panier local par exemple ira chercher des données sur une base commune et non sur la sienne.

Les formats d’échanges EDI (lancés par GS1) ont permis des gains d’efficacité dans la grande distribution. L’objectif de Data Food Consortium est de créer un standard adapté aux circuits courts pour changer d’échelle.

 

Pour cela, il est nécessaire de mettre en place un référentiel produit permettant d’attribuer un seul code à chaque produit, c’est un des services proposés par GS1. Il n’est toutefois pas possible de passer par GS1 pour Data Food Consortium car cela obligerait à adhérer à GS1 ce qui est payant (adhésion en fonction du chiffre d’affaires). Open Food Facts a donc été choisi car ils ont mis au point un catalogue qui génère un code unique pour les produits, ce code permettrait donc de réconcilier les catalogues. Le problème ici est qu’Open Food Facts oblige à l’open data.

Data Food Consortium étant un intermédiaire, il ne leur appartient pas d’imposer l’open data : ainsi le catalogue commun Data Food Consortium devra offrir la possibilité de l’open data ou non.

 

Points de vigilance : les standards autour de l’échange de données sont source de pouvoir, les pouvoirs publics ont donc un rôle crucial de régulation et de vigilance sur ce sujet. Les enjeux et leur rôle par rapport à ces standards restent à discuter.

Stéphane Gigandet (Open Food Facts)

Open Food Facts (OFFacts) est né de l’envie de répondre aux interrogations des consommateurs concernant la composition des produits.

Stéphane Gigandet est parti d’un besoin personnel : comparer les informations nutritionnelles des céréales du petit déjeuner pour choisir lesquelles prendre pour ses enfants. Face à la quantité de produits disponibles, il a eu l’idée d’une solution libre dans l’esprit de Wikipédia permettant de compiler ces informations.

En 2012, les premiers codes-barres ont été scannés et aujourd’hui la plateforme recense 570 000 produits alimentaires, principalement de GMS.

Les usages d’OFFacts sont variés et libres : consulter le Nutriscore d’un produit, comparer des produits… Il fonctionne en open data, c’est à dire en réutilisation gratuite pour n’importe quel usage : consommateurs, industrie, recherche (exemple l’équipe Nutrinet santé), action publique, amélioration de produits et services… Ceci est possible car dans la loi, il est indiqué que les informations nutritionnelles sont collectables et qu’il est possible d’en faire l’utilisation que l’on souhaite.

Plus de 200 réutilisations de ces données sont comptées : presque toutes les applis d’aujourd’hui sur la composition des denrées ont été construites sur cette base.

 

Pourquoi viser un bien commun numérique ?

  • Gratuité

  • Pas de contraintes techniques

  • Citoyen, indépendant de l’industrie

  • Intérêt public avant intérêts privés

  • Standard inclusif et ouvert

  • Entraînement de l’industrie vers le haut
     

=> Il y a convergence avec Data Food Consortium sur l’éthique recherchée et complémentarité sur les champs couverts : standards et producteurs pour DFC, données produits et usages pour OFFacts.

 

Points de vigilance : on peut s’interroger sur la fiabilité des données renseignées, aucun contrôle n’est mis en place

2.2

2.2 – Utiliser le numérique pour optimiser la logistique :

l’internet physique des circuits courts.

Slides 73 à 110 sur la présentation fil rouge de la journée.

Jorge Osorio (Mines ParisTech / ADEME / GS1)

La logistique des circuits courts : diagnostic des pratiques, enjeux

et potentiel d’amélioration apporté par l’interconnexion des réseaux logistiques.

Jorge Osorio a présenté son travail de doctorat pour lequel il est co-encadré par les Mines ParisTech, l’ADEME et GS1 France. Le travail a été mené en s’inspirant d’une analogie entre cheminement d’un e-mail et distribution d’un produit.

 

Aujourd’hui la logistique repose sur des réseaux cloisonnés et optimisés individuellement. Un hub, autre analogie informatique avec le router, représente un centre de tri et d’aiguillage.

Les solutions visées reposent sur 3 composantes :

  • Interconnexion physique

  • Infrastructure informationnelle ouverte mais sécurisée

  • Nouveaux modèles d’affaires.

 

Les questions traitées sont:

  1. Modèle de logistique partagé adapté aux spécificités des circuits courts

  2. Logistique du premier km (collecte en milieu rural)

  3. Logistique du dernier km (livraison urbaine)

 

Une analyse de l’existant a été menée :

  • Actuellement des producteurs mutualisent déjà: 61 % d’entre eux le font au sein de petits groupes avec un maximum de 3 producteurs dont 13 % à chaque livraison

  • Dans les 5 prochaines années 75 % comptent mutualiser la livraison : 66 % en mutualisant avec d’autres, 9 % en ayant recours à un sous-traitant
     

Un module de calcul d’optimisation logistique et d’impacts a été mis en œuvre. Il permet de tester 5 scénarios, avec ou sans hub, des clusters de 3 ou 9 producteurs, types de produits mélangés ou pas, et comparés à une situation de référence basée sur la livraison individuelle vers Paris.

Ces scénarios mettent en évidence des possibilités de gains importants en kilomètres parcourus, temps, coûts, trafic routier, allant jusqu’à un facteur 2.

La situation qui semble la plus intéressante sur le plan de l’impact carbone est celle de petits clusters de 3 producteurs avec l’utilisation d’un hub.

En conclusion, une observation fine des pratiques réelles des acteurs est nécessaire pour concevoir des solutions logistiques adaptées.

Simon Bestel (Promus)

La solution logistique des circuits courts pour les producteurs & les distributeurs.

Promus part du constat que la logistique est le principal frein au changement d’échelle des circuits courts. Pour répondre à cela, la société propose une solution composée de 3 « briques » :

  • « brique » physique : Des mini-hubs logistiques automatisés alimentés par les producteurs-livreurs dans un rayon d’une vingtaine de km.

  • Ils sont complétés par une « brique » intelligente d’algorithme pour optimiser les trajets

  • Une « brique » logicielle permet aux producteurs de gérer les flux et les coûts.
     

Les produits sont déposés dans les mini-entrepôts (réfrigérés et automatisés) puis le flux sur le territoire est organisé. Le producteur achète la capacité logistique. Le véhicule le plus adapté peut-être choisi en fonction du trajet visé.

=> Les premiers hubs vont être implantés à Nantes, puis sur Lyon.

Nils Olivier (Le chemin des mûres)

Organisation opérationnelle du covoiturage alimentaire pour les producteurs en circuit local

Le coût du transport en circuit local représenterait jusqu’à 40 % du total des coûts de quoi ?

La question traitée par Le Chemin des Mûres est de savoir comment supprimer les inconvénients des plateformes logistiques intermédiaires (perte de lien social), tout en améliorant les performances logistiques
.

Du côté des producteurs, il est possible de passer par un intermédiaire ou de faire soi-même la livraison mais dans ce cas, cela est coûteux en temps et en argent.

De leur côté les transporteurs professionnels ne sont pas habitués à gérer cette diversité de petits volumes.

La solution proposée vise à optimiser les flux et repose sur un moteur d’optimisation, auquel s’ajoute le rôle d’un tiers de confiance. La proposition est une démarche collective de covoiturage de produits alimentaires : un producteur fait la tournée pour les autres et ils partagent les coûts.

=> Le projet pose la question d’une gestion équitable des dédommagements ou de la rémunération de professionnels.

Temps d’échange avec la salle

Réaction : Intervention de Laura fondatrice de La Charrette, plateforme de covoiturage alimentaire pour les producteurs déjà utilisée par 600 producteurs, pour présenter la plateforme qui existe depuis plusieurs années et qui se développe en Bretagne et dans le Sud. La Charrette optimise les flux avec des petits transporteurs locaux ou entre producteurs et propose une assurance avec Groupama, l’assurance étant une question essentielle pour la livraison de produits sensibles.

Quelle ouverture internationale de DFC et OFFacts ?

Pour DFC, c’est le périmètre international qui est judicieux mais le prototypage ne peut se faire que sur une zone restreinte pour commencer et apprendre. L’objectif est que le standard soit international. Idem pour OFFacts, l’objectif est d’avoir une base mondiale, ça se fait déjà de manière organique.

La solution du chemin des mûres repose-t-elle sur des véhicules propres des producteurs ou des véhicules en commun ?

Le Chemin des mûres : un des objectifs est que les producteurs se questionnent sur la possibilité de mutualiser les véhicules. L’outil s’adapte à la situation existante, d’où la complexité de l’algorithme.

Quel encadrement juridique du transport pour autrui ?

La Charrette : sur le transport pour autrui, il existe une tolérance en agriculture : « l’entraide agricole ». Les critères sont : non régularité du transport, mois de 100 km et dédommagement à hauteur des frais engagés (le producteur qui transporte doit continuer à payer une partie du trajet). La question a été posée au ministère de l’agriculture et a obtenu une réponse : si le transport est régulier on dépasse le cas de la tolérance, il faut donc de nouvelles règles et le ministère travaille à un décret.

Organiser de façon théorique est exaltant, mais dans la réalité il y a toujours des décisions ou contraintes de dernière minute.

En complément : Aucun des inscrits à Charrette n’inscrit tous ses trajets sur cette plateforme. On ne va pas vers des camions communs mais autour de projets d’achat, on accompagne.

2.3

2.3 – C’est quoi GS1 ?

Slide 111 sur la présentation fil rouge de la journée

Paul Bounaud (GS1)

GS1 est une organisation mondiale neutre spécialisée dans la standardisation des données produits pour faciliter l’échange d’information et le commerce.

GS1 travaille avec de nombreux acteurs et leur propose de co-créer des standards pour constituer un langage commun de manière à gérer les chaînes d’approvisionnement au niveau mondial. GS1 propose notamment la création de codes à barres (ou gencodes), outil mondial d’identification des produits tout au long de la chaine d’approvisionnement. Pour obtenir des codes à barres, il est nécessaire d’adhérer annuellement, le montant de l’adhésion étant proportionnel au chiffre d’affaire de l’entreprise (entre 85€ et 4 000€).

Les chaines de valeur se numérisent de plus en plus, il faut un référentiel pour identifier les producteurs dans ces chaines de valeur dont ils sont très absents.

Un des projets en cours de GS1 est de proposer un outil qui rend visible la disponibilité d’espace dans les camions dans une démarche d’optimisation (notamment au niveau du dernier km). La question est de savoir jusqu’où il est possible d’aller collectivement ?

2.4

2.4 – Utilité de la blockchain pour la transparence et la confiance dans le contexte de la distribution en circuits courts.

Slides 113 à 122 sur la présentation fil rouge de la journée

Perrine Delobelle (Tilkal)

Blockchain pour la transparence et la confiance dans un contexte de circuit court.

Depuis une quinzaine d’années il y a une fragmentation des chaînes alimentaires : les acteurs sont disséminés, l’information y circule mal… Les systèmes de traçabilité sont restés classiques et reposent sur le respect d’un cahier des charges et/ou des audits ponctuels.

Ce qui manque, c’est la capacité à retracer la chaîne dans son ensemble pour avoir une vue du cycle du produit en termes de flux. Une telle formalisation pourrait répondre à la recrudescence de commerce illicite (miel, huile d’olive…), aux crises sanitaires, aux difficultés de retrait de produits. On pourrait enregistrer qui dit quoi sur le produit, pour détecter des incohérences, suivre les rappels de produits, savoir si les informations ont bien été transmises… Cela permettrait de prouver ce qui est affirmé.

Alors que « la moitié des Français déclarent renoncer à un achat s’ils manquent d’information », les circuits courts ont une vraie opportunité pour raconter, expliquer comment leur produit est fait. Un achat en circuit court est aujourd’hui la promesse d’un produit de meilleure qualité dont on connaît la provenance. Ces circuits ne sont toutefois pas à l’abri d’une « prise en otage » à l’image de la filière bio, dénoncée par 60 millions de consommateurs la semaine précédente, qui signale que 30 % des produits bio sont moins bons que les produits conventionnels. Pour quelques acteurs, c’est toute une filière qui peut être impactée, la traçabilité devient donc essentielle. Par ailleurs, certains modèles de circuits courts font face à des enjeux similaires à ceux des circuits longs car le consommateur perd en visibilité : vente en GMS, restauration collective, e-commerce…

Toutes sortes de données peuvent être valorisées par plus de traçabilité et de transparence : provenance, durée de stockage, pratiques agricoles. La possibilité pour tous les acteurs de prendre la parole est une valeur ajoutée d’un système de traçabilité collectif.

Grâce à la blockchain, les acteurs partagent une information contrôlable sans que les données ne soient centralisées. Un réseau de partage de bout en bout permet d’assurer une traçabilité en temps réel et on peut s’assurer que la donnée n’a pas été trafiquée car si un acteur réalise une modification tout le réseau en est informé. Le système de blockchain permet par exemple d’éviter les conflits entre acteurs qui donneraient chacun une version de l’histoire comme dans le cas du lait Lactalis où le rappel allégué par l’entreprise de certains lots était contesté par les distributeurs.

2.5

2.5 – Utilisation des outils numériques pour la gouvernance

et la gestion d’un supermarché coopératif.

Slide 123 sur la présentation fil rouge de la journée

Elie Daviron (La Cagette)

La Cagette est un supermarché coopératif inspiré de La Louve à Paris. Après un temps de bénévolat à la Louve pour un des initiateurs du projet, la Cagette est lancée à Montpellier en 2015, au départ sous la forme d’un groupement d’achat utilisant mails et tableurs comme outils numériques.

Pendant longtemps, les adhérents se sont contentés des outils Google drive (tableur partagé, etc.) qui sont essentiels pour mettre tous les documents à disposition et assurer le partage et la transparence (même si cela peut être difficile à reconnaitre dans un projet anticapitaliste !). Compte tenu du profil des adhérents, dont une grande proportion est retraitée, il est difficile d’avoir d’autres outils que les mails. Si l’équipe avait disposé de chat inter-entreprise plus tôt (type Slack), cela aurait peut-être marché, mais aujourd’hui pour les plus âgés il est compliqué de faire changer les habitudes.

En février 2017, la Cagette a 1 300 adhérents, et l’opportunité d’ouvrir une surface de 400 m² se présente. Sachant qu’il n’y aurait pas soutien des pouvoirs publics, le groupe rassemble 200 k€, moitié auprès des membres, moitié par emprunt. Elle adopte alors un outil de gestion ERP développé par la Louve (adaptation de l’ERP open source Odoo). L’ERP joue un rôle central (base de données clients, base articles et mouvements de stocks). Mais seulement 5-6 personnes savent s’en servir et sont de ce fait placées au cœur des décisions d’achat, alors qu’une centaine d’adhérents participent régulièrement et que les autres font simplement leurs 3h par mois sans investissement supplémentaire. L’équipe se dirige alors vers des groupes éclatés autonomes qui choisissent leurs propres outils, le « rêve » d’une communauté qui fonctionne de manière égale est abandonné.

En 2019, avec 2 500 membres, la cagette atteint l’équilibre. Le gros des enjeux actuels, c’est le code barre, la logistique, et la description des process métiers. Une tentative de mutualisation avec d’autres groupes a été fait mais les process métiers sont trop spécifiques (par exemple la Cagette fonctionne en flux tendu car dispose de très peu d’espace de stockage, à l’inverse de La Louve). Aujourd’hui le groupe commence à fonctionner avec des wikis, chacun fabrique son outil et on utilise des outils simples.

=> A noter qu’aujourd’hui, il existe 150 projets de supermarchés coopératifs à l’échelle de la France.

Laetitia Roussel (Resolis)

Adhérente dans un supermarché coopératif, Laëtitia présente les 3 outils qu’elle utilise en tant que membre :

  • Espace membres sur cloud, avec infos pratiques, possibilité d’échange de permanences, dates des AG et réunions, documents, comptes rendus, document Excel qui récapitule les questions déjà posées, guide du coopérateur, plus foire aux questions

  • Forum (sert à élaborer des propositions d’évolution notamment)

  • Communauté Facebook réservée aux opérateurs : questions qui traitent de la vie du supermarché coopératif + échanges personnels/communautaires, fêtes et événements

2.6

2.6 – Usage du numérique par les producteurs, et impacts

sur leur activité et sur leur quotidien.

Slides 124 à 138 sur la présentation fil rouge de la journée

Flora Naumowicz (INRA – UMR Innovation)

Le numérique représente 10 % des ventes globales dans le domaine de l’alimentation (Décoret, 2019) dont 8 % par drives des GMS.

L’objet du stage de Flora est de comprendre si de nouvelles interactions producteurs/consommateurs sont produites par le numérique, si des rapports de confiance s’instaurent.

L’étude est basée sur des entretiens avec des producteurs et des consommateurs.

Les usages repérés en termes de communication :

  • Communication adressée à ? : indispensable de l’avis des producteurs mais ils ne voient pas de lien avec la progression des ventes

  • Communication de prospection : elle touche un public plus large, autour d’événements, les producteurs perçoivent des retombées concrètes (présence à un événement par exemple)

 

La communication représente une norme même si cela prend du temps au producteur pour un bénéfice incertain et non quantifié.

Le numérique est également utilisé comme interface de vente, l’objet est à la fois de massifier et diversifier. Le numérique ne se suffit pas à lui-même : face à face et téléphone restent indispensables.

Guillaume Haelewyn (Jardin de deux’main)

Guillaume Haelwyn dirige une ferme de 2.85 ha en Normandie où il produit des fruits et légumes et des œufs. Il commercialise ses produits via des ventes directes à la ferme (60% des ventes) et via la plateforme Open Food France (40%).

Il utilise la plateforme tous les jours et « c’est magique, les gens me commandent des légumes, alors que je suis là à parler avec vous ! ». L’utilisation d’Open Food France lui a permis de « passer la seconde » :

  • Meilleure gestion des stocks : en travaillant sur commande, on récolte pile ce qu’il faut

  • Accès à des nouveaux clients qui ont envie d’acheter ses produits et qui ont du pouvoir d’achat mais qui ont peu de temps pour les achats alimentaires (panier moyen en ligne est plus important qu’à la ferme : 18 € contre 13 €)

  • Meilleure efficacité dans la préparation des commandes : dans un espace de 15m², tous les produits sont préparés avec des conditionnements définis sur la plateforme puis il n’y a plus qu’à faire du picking ce qui fait gagner un temps considérable.

  • Logistique des livraisons améliorée et mutualisée avec des collègues (< à 10km)

  • Absence d’erreurs dans les livraisons
     

Pour les produits proposés à la vente en ligne Guillaume essaye d’être le plus précis possible dans la description des produits pour éviter les surprises et est très exigeant sur les produits proposés car les clients ne peuvent pas les choisir.

Open Food est un bon outil au quotidien, mais ne se suffit pas, il faut du marketing autour, créer une communauté, une fidélisation (par exemple ramener les cageots, les boites…). Des rassemblements et événements en présentiels sont très importants. Les clients « virtuels » viennent donc régulièrement au jardin, qui est ouvert 24h/24. Lorsqu’il a eu des problèmes de santé, les clients se sont relayés pour donner un coup de main.

Grâce à la plateforme, Guillaume a atteint un de ses objectifs : se libérer du temps. Cela passe par standardiser ce qu’on fait à la ferme, ne pas se disperser (notamment en étant sur 10 plateformes).

3.

3- Les ateliers

L’après-midi a été consacrée à des ateliers sur les 4 thèmes suivants :

Numérique et optimisation logistique > En quoi les solutions numériques (logiciels, API, algorithmes…) peuvent-elles permettre de réduire l’impact CO2, l’encombrement des routes, le temps passé par les paysans à livrer et le coût associé, dans le contexte des circuits courts ?

 

Numérique : gestion commerciale et enjeux de coopération > En quoi les solutions numériques (logiciels, API, algorithmes…) peuvent-elles permettre de faciliter la commercialisation des produits en circuit court ? Quelles difficultés se posent dans la mise en œuvre des démarches de commercialisation et quelles pistes peut offrir le numérique pour les surmonter ?

 

Numérique : transparence, traçabilité, confiance > Les circuits courts ont-ils aussi besoin “d’outils” pour assurer la transparence et la traçabilité, source de confiance pour les consommateurs ? Si oui, en quoi les solutions numériques (logiciels, API, algorithmes…) peuvent-elles permettre de faciliter cette transparence/traçabilité de l’information produit ?

 

Numérique : lien social et gouvernance > En quoi les solutions numériques (logiciels, API, algorithmes…) peuvent-elles permettre des modes de gouvernance plus participatifs et contributifs, et concourir à la création de nouvelles modalités de liens sociaux, de partages et d’échanges, dans le contexte des circuits courts ?

 

L’intention était d’identifier, autour de ces quatre thèmes, de nouvelles initiatives, en discutant les objectifs poursuivis, les problèmes, les impacts. Ceci devait amener à repérer des points de contradiction, de débat, de contestation autour d’impacts présumés, etc., ainsi que de dégager des pistes en termes de recherche ou projets que le RMT Alimentation Locale pourrait aussi impulser ou porter.

Nous avons eu un premier temps d’atelier d’une petite heure, puis les participants ont changé d’atelier pour un second temps de 30 min.

Nous allons dans les prochaines semaines prendre le temps de traiter ce qui est ressorti de ces ateliers pour en faire bon usage dans les prochains rendez-vous et projets du RMT !

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4.

4- Rapport d’étonnement

Pierre Combris, économiste, directeur de recherche honoraire de l’INRA, a partagé son regard sur la journée.

Quelques notes en bref sur son intervention :

Pierre Combris a passé toute sa carrière à l’INRA où il a travaillé sur l’information des consommateurs et les comportements de ces derniers. Il a voulu faciliter l’accès aux données sur les produits alimentaires dont les données des entreprises privées. Il a monté un observatoire de la qualité nutritionnelle des aliments, pour cela il a voulu récupérer des données auprès des industriels sur la qualité des produits, la formulation… Ceux-ci étaient bien disposées mais il s’est rendu compte que certaines données n’existaient pas.  L’information n’est pas normalisée, pas centralisée. « On recevait des documents, des photographies des paquets dans les magasins. Les hard discounter nous ont dit : venez en magasin, achetez les produits et recopiez les étiquettes ». « Depuis le règlement sur l’information du consommateur et la dématérialisation de l’information, l’information doit être donnée au consommateur sans coût supplémentaire. Il faut toutefois des informations normalisées, standardisées. On a fait venir GS1, qui avait expliqué que techniquement c’était possible, mais en fait cela ne va pas si vite que ça ».

Rapport d’étonnement : quelques extraits

« Étonnement que cette journée se déroule chez GS1 déjà, car il avait organisé une réunion sur ces mêmes problématiques pour les circuits longs chez GS1 il y a quelques années. Il y a les mêmes problématiques. Besoin d’un identifiant unique – et avant ça il faut savoir dans quel monde on vit, avoir la même ontologie, or dans les circuits courts, il y a encore des carnets de commande avec des feuilles carbones. Finalement, le mouvement va embarquer tout le monde. Il n’y a pas de séparation aussi nette entre circuits de proximité et circuits longs, c’est un même système alimentaire qui est interconnecté. Il y a des outils de rationalisation qui ne sont pas nouveaux, qui sont pour n’importe quel producteur, il y a des outils complètement nouveaux, qui fabriquent les marchés, il y a des places de marché. On entre dans un monde étrange. Et il y a des outils de gouvernance, pour réfléchir sur des standards, sur des façons de prendre des décisions et ça ouvre des perspectives vraiment intéressantes. Ça ne m’étonne pas mais ça m’intéresse ! »

5.

5- La suite !

A l’issue de cette journée, nous comptons, si le RMT Alimentation Locale est renouvelé, poursuivre l’exploration de ces sujets au sein de ce réseau, via un groupe de travail transversal “numérique” notamment.

MERCI À TOUS POUR CETTE JOURNÉE !

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